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Anacarde: Ces goulots qui handicapent la filière à Sédhiou

Rédigé par leral.net le Lundi 9 Octobre 2023 à 20:14 | | 0 commentaire(s)|

Véritable levier d’autonomie pour les producteurs et les femmes transformatrices de Sédhiou, la filière anacarde connaît un vrai boom dans la localité. Cependant, des écueils sont à lever pour permettre au secteur de tirer pleinement profit de son potentiel. Par Abdoulaye SADIO (Correspondant) SÉDHIOU – La filière anacarde est la nouvelle mamelle de l’économie casamançaise. […]

Véritable levier d’autonomie pour les producteurs et les femmes transformatrices de Sédhiou, la filière anacarde connaît un vrai boom dans la localité. Cependant, des écueils sont à lever pour permettre au secteur de tirer pleinement profit de son potentiel.

Par Abdoulaye SADIO (Correspondant)

SÉDHIOU – La filière anacarde est la nouvelle mamelle de l’économie casamançaise. Elle nourrit plusieurs acteurs de la chaîne de valeur. Le secteur génère un chiffre d’affaires de plus de 30 milliards de FCfa dans les trois régions de la Casamance. Mais, cette année, la filière est confrontée à d’énormes problèmes d’écoulement avec des prix qui sont passés de 600 à 300 FCfa le kg. Si la situation semble profiter à certains producteurs, ce n’est pas le cas pour d’autres acteurs de la filière. C’est l’avis de Khalil Sagna, président de l’interprofession cajou de Sédhiou. Selon lui, sur les six unités de production, seules trois sont actives avec une capacité limitée à 10 tonnes par mois. « L’anacarde profite moins à l’économie locale dont les acteurs se limitent à la production, alors que la valeur ajoutée vient de la transformation », explique-t-il.

Déficit d’infrastructures

Pour M. Sagna, la région de Sédhiou, qui assure l’essentiel de la production, manque de plusieurs infrastructures indispensables à l’éclosion du secteur, notamment les entrepôts, les magasins de stockage…

Un autre écueil souligné par les acteurs : la commercialisation. L’absence de contrats de commercialisation ne permet pas aux producteurs de négocier de meilleurs prix. Actrices majeures du dispositif, les femmes transformatrices continuent de travailler avec des outils rudimentaires, ce qui impacte sérieusement leur productivité. C’est ce qu’explique Alphonsine Mané, originaire de la Guinée Bissau, mais basée à Sédhiou, au quartier Montagne Rouge. Avec ses collaboratrices, elles sont constituées en petits ateliers, pour faire griller les noix de cajou, enlever les coques, puis les revendre dans la commune. « Nous vendons le sachet à 500 FCfa. Le prix du kilogramme de la noix de cajou a vraiment baissé par rapport aux années précédentes. En tant que propriétaires de champs, nous ne pouvons pas accepter ces prix dérisoires. Nous faisons, chaque matin, le tour de la ville avec nos sachets », déplore-t-elle.

Le kg vendu à 7000 FCfa

Selon Alphonsine, l’anacarde est cédée aux revendeurs à hauteur de 7000 FCfa le kilogramme. Mais, elle estime qu’il est possible d’avoir un meilleur prix, eu égard aux quantités importantes dont elles disposent. « Les commerçants veulent qu’on leur vende le kilogramme entre 200 et 300 FCfa. Nous pouvons faire beaucoup mieux si l’État du Sénégal et celui de la Guinée Bissau mettaient en place un prix standard pour que tous les maillons de la filière y trouvent leur compte », plaide-t-elle. Elle estime que cela permettra, dans un premier temps, de résoudre les problèmes d’écoulement. « Nous avons un important stock à Sédhiou qui peine à être écoulé, faute de clients et à cause de l’absence d’infrastructures de stockage, la production est en train de se détériorer, car les noix ne supportent pas l’humidité », ajoute Alphonsine Mané.

Face à cette situation, indique Adama Seydi, grand producteur d’anacarde, résidant à Tanaff, localité située dans le département de Goudomp, chaque producteur essaie d’écouler sa production comme il peut. Il invite ses collègues à se formaliser au Système de récépissé d’entrepôt que l’État a mis en place. Seule façon, à son avis, d’éviter un bradage de la récolte au détriment des producteurs.

Hausse de la production

Selon M. Seydi, la production a également connu une hausse cette année, atteignant 140.000 tonnes contre 87.000 tonnes en 2022. Ce qui a contribué à une baisse des prix, puisque l’offre est largement supérieure à la demande.

Première région productrice d’anacarde au Sénégal, Sédhiou est, paradoxalement, la plus mal lotie en matière d’infrastructures de stockage. « Dans mon magasin, j’ai 20 tonnes en stock que je dois évacuer à Ziguinchor mais je n’ai pas encore trouvé d’acheteur », informe M. Seydi. Ce qui constitue de réelles pertes, en plus des frais liés au transport, à la douane, à la gendarmerie et les taxes municipales. « Tous les acteurs de la chaîne de valeur anacarde y trouvent leur compte. Nous voulons juste que l’État régule la filière », a-t-il plaidé.

À en croire Ousseynou Diagne, Secrétaire général de la chambre de commerce de Sédhiou, par ailleurs producteur de noix de cajou, le Sénégal est aujourd’hui concurrencé par des pays comme la Côte d’Ivoire, le Bénin… Lesquels, dit-il, présentent des variétés que le Sénégal n’a pas encore développées. Mieux, soutient-il, les Indiens commencent la campagne dans ces pays avant de venir compléter au Sénégal. « C’est ce qui fait que nos produits souffrent d’un problème d’écoulement, car nous sommes obligés de les attendre ». Il invite les autorités à s’inspirer de l’expérience de la Côte d’Ivoire qui a régulé le prix de l’anacarde et a créé plusieurs unités de transformation qui permettent aux jeunes d’avoir des emplois directs et de créer de la valeur.



Source : https://lesoleil.sn/anacarde-ces-goulots-qui-handi...